"Il faut écrire pour soi, c'est ainsi que l'on peut arriver aux autres." - [Eugène Ionesco]

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Un grand merci à Natalie Milligan, co-éditrice de la "Frazette" ! D'abord, j'aimerais dire un grand merci à Maddy Clarke pour avoir créé mon nom. Vous aurez compris qu'il s'agit de la contraction des mots "français" et "gazette" ce qui donne ce joli nom de Frazette. Alors, oui, Frazette me voici. Je suis le journal des étudiants du département de français de l'Université Dalhousie, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Mon but consiste à permettre l'accès à quelques-uns des meilleurs textes rédigés par les étudiants des cours de français du département. J'espère que vous aurez du plaisir à me lire et, surtout, que vous deviendrez membre et que vous laisserez vos commentaires. Bonne lecture ! Et au fait, comment trouvez-vous mon "image" ? Rendons à César ce qui revient à César... l'auteur de cette photo et de cette... créature... appellée au départ Manon-le-mannequin a été conçue par Julien Major, un étudiant québecois, dans le cadre d'un projet de finissants au cégep de Valleyfield. Manon incarne pour ainsi dire les mots. N'est-elle pas une belle représentation de notre Frazette ?

mercredi 5 mai 2010

"Au cimetière"

Au Cimetière

Par Laura Forrest




Je suis ici, parmi les branches mortes et les pierres tombales aussi vieilles que cette ville. J’y suis toujours, pas mon corps, mais mon essence. Les arbres vivent grâce à mon corps, et ainsi je vis aussi, par procuration, à travers ces arbres tordus, chétifs, mais forts - forts à cause de ma volonté de vivre.

Personne aujourd’hui dans ce pays ne se souvient de moi, et ceux qui m'ont connue en Irlande essaient de m’oublier. Je ne sais pas si je devrais me fâcher contre eux, mais maintenant - au ciel - je ne m’en soucie plus. Tout ce que je raconte est sans parti pris, sans émotion : ce sont seulement les faits.

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J’enfile ma robe de mariée le matin du 14 mars 1877. J’ai 16 ans et je suis incroyablement nerveuse. Mon mari est beau et il a de l’argent : « Col. The hon. Charles Alexander ». Il vient de Tyrone, alors je ne le connais guère. Il m’attend devant l’autel avec le prêtre, en compagnie de nos familles et de nos amis.

Moi aussi, je suis devant l’autel - devant Dieu. Je dis « oui » mais mon cœur n’est pas d’accord - il demeure auprès de mon voisin, le jardinier. Nous quittons l’église, main dans la main, pour les festivités; pour commencer notre vie.

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Je suis chez le jardinier. Je suis dans ses bras forts. Ses lèvres s’approchent de plus en plus des miennes, et je ne détourne pas la tête.

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Je suis au Canada, à Halifax. Charles m’a forcée à quitter l’Irlande avec ce bébé dans mon corps qui n’était pas de lui. Il y a cinq ans qu’il est mort, mon bébé - tué au travail par une pièce de bois qui est tombée sur sa tête. Il était jeune, et je suis vieille. Je vis avec l’argent que mon mari m’envoie, mais j’aimerais mieux un homme. Je serais plus heureuse dans les bras de quelqu’un et pauvre, que seule et à l’aise. Je vivrai ma vie jusqu’à la fin, comme ça : seule, pour avoir été avec le jardinier.

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